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Programmes de génie électrique et de génie informatique axés sur le développement de compétences et des projets à l'Université de Sherbrooke

par Gérard Lachiver, Daniel Dalle, Noël Boutin, André Clavet, François Michaud, Jean-Marie Dirand,
Département de génie électrique et de génie informatique, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC

1.0 Introduction

La profession d'ingénieur est en profonde évolution. Elle exige de ses membres un éventail de compétences de plus en plus large et une expertise permettant de trouver des solutions à des problèmes toujours plus complexes dans un environnement économique en rapide mutation. Les entreprises exigent de leurs ingénieurs un équilibre harmonieux entre des compétences techniques sophistiquées et des compétences intra et interpersonnelles raffinées en communication, travail en équipe, gestion, créativité, responsabilité sociale, et une sensibilité à l'éthique et au développement durable. Plusieurs études canadiennes et américaines ont démontré qu'il existe un décalage entre les objectifs des programmes d'ingénierie et les besoins d'une économie en pleine transformation [1].

En fait les étudiants perçoivent la formation en ingénierie comme étant difficile et très exigeante.

Il y a trois ans, le Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke procédait à une analyse de ses programmes de baccalauréat en ingénierie. Bien que le taux de placement des finissants soit de 100% et que la satisfaction des employeurs soit grande vis à vis des connaissances techniques des diplômés, quelques conclusions ont attiré notre attention. Les étudiants abordent leur programme d'ingénierie avec curiosité et enthousiasme. Ils sont avides de concevoir des produits, de réaliser des systèmes, de travailler sur des projets d'ingénierie. Cependant, ils commencent leur formation par des cours de sciences fondamentales et de mathématiques qui, bien que fondamentaux, souffrent du peu de contextualisation avec des problèmes d'ingénierie réels. En fait les étudiants perçoivent la formation en ingénierie comme étant difficile et très exigeante. Une analyse détaillée des programmes montre qu'ils sont conçus comme une succession de cours que les étudiants doivent tous réussir les uns après les autres. Cette structure induit chez les étudiants une compartimentalisation des concepts et ne facilitent pas leur réutilisation de cours en cours. En fait, rares sont les situations où les étudiants intègrent plusieurs concepts pour résoudre des problèmes d'ingénierie tel qu'ils se présentent réellement. Cette fragmentation du corpus de connaissances favorise un apprentissage superficiel limité dans l'espace et le temps. Il faut donc répéter plusieurs fois la même chose à chaque fois que le besoin se fait sentir. Finalement nous avons constaté que la formation en conception, l'essence même de la profession d'ingénieur, était surtout concentrée en dernière année sous la forme d'un projet majeur de conception mais que des dimensions importantes comme la multidisciplinarité, l'éthique, les dimensions sociales et économiques étaient mal représentées.

Soucieux d'améliorer la formation au premier cycle en ingénierie, le Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke, a entrepris une réforme majeure de ses programmes et pour cela a adopté un nouveau paradigme d'apprentissage qui aura un impact fondamental et durable sur la qualité de ses diplômés. Cette réforme ambitieuse et innovatrice a permis de refondre l'ensemble des activités pédagogiques en prenant en compte tous les éléments affectant la qualité de la formation en ingénierie. Pour mener à bien ce travail d'envergure, nous avons établi deux cadres structurants. Le premier définit les compétences que les étudiants doivent démontrer à la fin de leur études, c'est la structure basée sur le développement des compétences. Le second est le cadre d'apprentissage. Il s'appuie sur des recherches récentes sur les théories de l'apprentissage et permet la conception détaillée de l'ensemble des activités pédagogiques ainsi que des mécanismes d'évaluation des apprentissages.

Cet article dresse un portrait global des grandes caractéristiques de ces cadres et présente les principales étapes menant à la mise en œuvre de ces nouveaux programmes.

2.0 Cadres curriculaires

Les programmes “classiques” de formation en ingénierie donnent la priorité avant tout à l'acquisition des connaissances et, dans un tel contexte, ils négligent non seulement le processus de construction personnelle et sociale des connaissances, mais aussi le développement des compétences professionnelles elles-mêmes. Quoiqu'ils n'ignorent pas complètement les compétences, ils estiment qu'il est capital de permettre aux étudiants de développer une base de connaissances avant de pouvoir réfléchir à des usages et à leur intégration dans des compétences. Les programmes de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke inversent la logique qui précède et place le développement graduel des compétences professionnelles attendues des étudiants au premier plan de la formation. Une compétence se définit comme un savoir-agir complexe fondé sur la mobilisation et l'utilisation efficaces d'un ensemble de ressources. L'idée de savoir-agir fait ressortir que chaque compétence est essentiellement de l'ordre de l'action, qu'elle permet à un individu de mettre en œuvre un ensemble de réflexions, de processus, de stratégies et d'actions en vue de répondre à une tâche donnée. L'idée de savoir-agir concourt à distinguer la compétence d'une simple procédure, évitant de cette manière qu'une compétence devienne synonyme de savoir-faire. Le savoir-agir accorde donc un rôle et un caractère très englobant à la compétence. Dans une telle conception, il est évident qu'un programme d'études ne contiendra qu'un nombre restreint de compétences, chacune d'elles intégrant en revanche un nombre très élevé de ressources. Par ailleurs, les idées de mobilisation et d'utilisation sont capitales parce qu'une compétence ne constitue pas une forme d'algorithme mémorisé et pratiqué à plusieurs reprises en vue d'en assurer la pérennité et la reproductibilité, mais un savoir-agir très flexible et adaptable à divers contextes et à différentes problématiques. Cette flexibilité et cette adaptabilité justifient tout particulièrement l'importance de la mobilisation. Une compétence est plutôt de l'ordre de l'heuristique que de l'algorithme. Lors de la mise en œuvre d'une compétence, des ressources nombreuses et variées sont requises, les connaissances constituant une partie très importante de ces ressources. C'est en faisant référence aux ressources cognitives que des auteurs ont mis l'accent sur le fait qu'une compétence est un système de connaissances, déclaratives (le quoi) ainsi que conditionnelles (le quand et le pourquoi) et procédurales (le comment), organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l'intérieur d'une famille de situations, non seulement l'identification de problèmes, mais également leur résolution par une action efficace. Cette seconde définition, qui complète la première, permet d'indiquer que les connaissances sont des ressources indispensables au service des compétences et, par conséquent, qu'elles doivent occuper une place très importante dans un programme de formation axé sur le développement de compétences.

Une formation basée sur le développement de compétences spécifie les compétences qu'un étudiant doit démontrer à la fin de ses études et met en œuvre des pratiques éducatives qui assurent que ce dernier maîtrise ces compétences. Ainsi au lieu de déterminer si l'étudiant diplôme après avoir accumulé un certain nombre de crédits de cours, la diplomation est conditionnelle à la démonstration de la maîtrise d'un ensemble de compétences bien définies [2]. La conception d'un programme basé sur des compétences se fait selon une démarche descendante. La première étape et la plus importante est l'identification des compétences terminales qu'un diplômé du programme doit démontrer, c'est à dire les compétences attendues d'un ingénieur qui débute sa carrière professionnelle. La seconde étape de conception est de projeter ces compétences terminales sur chaque session du programme afin d'assurer un développement graduel et contrôlé des compétences tout au long de la formation. La dernière étape est la conception détaillée des activités pédagogiques qui seront responsables de créer les contextes d'apprentissage favorables au développement de chaque compétence. Chaque activité doit décrire:

  1. Les compétences qu'elle adresse et leurs niveaux de maîtrise,
  2. Le contexte d'apprentissage le plus approprié au développement et à l'expression de la compétence (cours, tutorat, projet, travail en équipe, lecture individuelle) et,
  3. Les mécanismes et les critères d'évaluation de chaque compétence.

En pratique les compétences d'un ingénieur forment un tout indivisible mais pour les fins de construction des programmes, les compétence retenues ont été classées en quatre grandes catégories qui sont:

  • Compétences scientifiques et techniques propres au génie électrique et au génie informatique,
  • Compétences en conception,
  • Compétences interpersonnelles et,
  • Compétences intrapersonnelles.

Exemples de compétences clés:

  • Résoudre des problèmes complexes propres au génie électrique dans les domaines des signaux et systèmes, de l'électronique analogique et numérique, de l'utilisation de l'énergie électrique, de l'automatisation, des télécommunications,
  • Planifier et gérer des projets en ingénierie,
  • Travailler efficacement en équipe disciplinaire et multidisciplinaire dans des contextes variés,
  • Exercer des capacités d'analyse, d'abstraction, de synthèse et de créativité.

3.0 Paradigme d'apprentissage

Une formation par compétences incorpore les résultats de la recherche en sciences cognitives, en particulier des approches dites constructivistes dans le domaine de l'enseignement et de l'apprentissage. Nos programmes de génie électrique et de génie informatique ont été conçus selon ces théories. Chaque étudiant apprend à travers une construction personnelle de connaissances et de compétences qui mène progressivement à l'auto-apprentissage. Le cadre d'apprentissage mis en place s'appuie sur quelques principes fondamentaux appropriés à la formation basée sur le développement des compétences [4]:

  • Un premier concerne le fait que tout apprentissage prend appui sur des connaissances et des conceptions antérieures.
  • Un second principe stipule que l'organisation hiérarchique des connaissances exerce un rôle très important dans le processus de professionnalisation des étudiants. Il est crucial, en apprentissage, que les étudiants relient leurs connaissances entre elles, qu'ils déterminent leurs relations hiérarchiques et qu'ils circonscrivent les domaines professionnels dans lesquels il sera judicieux de recourir à ces connaissances.
  • Un troisième principe met l'accent sur le fait que la viabilité des apprentissages exige une forte contextualisation initiale. Il est donc capital que les apprentissages soient réalisés à partir de situations complexes qui leur donnent sens.
  • Un quatrième principe stipule alors que la transférabilité des apprentissages est soutenue par des actions de décontextualisation et de recontextualisation. Dans cette logique, il importe que les étudiants réutilisent, sur une base régulière, leurs nouveaux apprentissages dans des contextes différents de ceux qui les ont suscités et qu'ils soient encadrés et supervisés dans leurs premières tentatives de recontextualisation.
  • Considérant que les apprentissages ne sont pas des entités isolées, vivant par elles-mêmes, mais qu'ils constituent des ressources au service de la compréhension et de l'action, un cinquième principe met l'accent sur le fait que les nouveaux apprentissages doivent être construits en relation étroite avec des stratégies cognitives - comment recourir judicieusement à ses connaissances et à ses compétences? Comment les mettre en action? - et des stratégies métacognitives - comment autoréguler la mise en œuvre de ses stratégies cognitives, de ses connaissances et de ses compétences?
En prenant ces principes comme cadre de référence relativement à l'apprentissage et à la manière dont les individus apprennent, une équipe de professeurs du Département de génie électrique et informatique à systématiquement réviser les activités de formation, leurs orientations et les relations qu'elles entretiennent entre elles.

Le terme “contextualization” est un terme technique courant des sciences de l'éducation utilisé pour décrire le processus d'enseignement et d'apprentissage.

The term “contextualization” is a technical term used in educational sciences for explaining the processes of teaching and learning.

4.0 Les programmes

Un programme de formation axé sur le développement de compétences commande des approches spécifiques sur le plan pédagogique. Il est entre autre impossible de conserver une organisation curriculaire qui donne la préséance à des activités de type “cours magistraux” et de type “laboratoire”, distinctes les unes des autres, et de favoriser ainsi une orientation qui met l'accent sur l'addition des connaissances plutôt que sur leur intégration dans des compétences. En somme, il s'agit de privilégier une structure curriculaire qui soutienne directement le processus de construction, personnelle et sociale, des connaissances et des compétences requises à la pratique intelligente de l'ingénierie. S'appuyant sur les principes décrits plus haut, les programmes ont été conçus selon une approche combinant des apprentissages à partir de projets et des apprentissages à partir de problèmes, appelée APPI pour “Apprentissage par Problèmes et par Projets d'Ingénierie”. Ces programmes en alternance stage/travail comporte 8 sessions d'études entre lesquelles s'insèrent 4 stages de 4 mois à partir de la troisième session. Chaque session est articulée autour d'un thème (par exemple, signaux et systèmes, architecture des ordinateurs, systèmes électriques, etc.) et comprend essentiellement deux types d'activités: plusieurs activités d'apprentissage par problèmes d'une durée de deux semaines et un projet de conception qui s'étend sur toute la session (Figure 1). L'importance du projet varie de 3 crédits en première année à 9 crédits en quatrième année, pour des sessions de 15 crédits. Ainsi, au fil du programme, le poids accordé à la résolution de problèmes décroît pour donner plus de latitude aux étudiants pour appliquer leurs compétences aux projets de conception. Une équipe de professeurs est responsable de toutes les activités d'une session donnée. L'apprentissage par problèmes (APP) est la base de l'organisation des programmes. Toutes les activités pédagogiques sont articulées autour de problèmes plutôt qu'autour de sujets ou de cours comme dans un programme classique. L'APP est aussi le principal mode d'acquisition des connaissances. Chaque problème est formulé de façon à ce que le processus de résolution mène les étudiants à découvrir quelles connaissances actuelles peuvent être utilisées, ce qu'ils doivent apprendre de nouveau et les habiletés requises pour gérer la situation effectivement.

Figure 1: Structure d’une session

Cette contextualisation de l'apprentissage permet une meilleure organisation des connaissances en vue de leur rappel et de leur réutilisation future dans un autre contexte. Elle génère des applications réalistes et favorise la portabilité des compétences à travers les expériences, tout en accroissant la pertinence des apprentissages pour les apprenants. L'APP facilite le changement de paradigme d'un apprentissage passif à un apprentissage actif. Il encourage les étudiants à être davantage responsables de leurs propres apprentissages. C'est à dire que les professeurs, après le début du programme, ne doivent pas fournir les informations qu'ils pensent utiles, ni suggérer des lectures ou un plan d'études.

Avec ce changement de paradigme, les étudiants doivent apprendre à décider ce qu'ils doivent apprendre, à partir de ce qu'ils savent déjà, et chercher les ressources d'apprentissage appropriées. Les professeurs deviennent des “ressources”, des entraîneurs ou des tuteurs. Dans nos programmes, l'APP se fait dans un contexte de tutorat en petits groupes de 12 étudiants. Sous la supervision d'un tuteur, les étudiants développent progressivement leur habileté à l'auto-apprentissage, compétence essentielle dans une profession où le type de problèmes et les nouvelles informations croissent à un rythme effréné. La construction des problèmes demande une attention particulière. Les problèmes doivent issus du milieu de l'ingénierie et permettre aux étudiants d'accéder, d'étudier et d'intégrer des informations provenant de diverses disciplines. Les problèmes doivent être conçus pour renforcer le processus d'apprentissage plutôt qu'assurer une couverture complètes des connaissances. À la fin de chaque unité d'APP, les étudiants doivent réfléchir sur ce qu'ils ont appris en termes de concepts et des principes et déterminer s'il manque quelque chose à leur compréhension du problème. Cette étape importante leur permet de traduire les connaissances procédurales acquises durant la résolution du problèmes en connaissances déclaratives qu'ils pourront réutiliser dans d'autres problèmes. Les schémas de concepts sont un des outils efficaces pour ce processus. Une autre caractéristique importante de l'APP est la collaboration entre étudiants qui s'établit naturellement durant les discussions avec le tuteur. Cette collaboration facilite les apprentissages individuels et développe des compétences de travail en équipe indispensables à l'ingénieur. Les tableaux 1 et 2 montrent l'organisation typique d'une unité d'APP (les zones grises sont des activités de projet). Une unité d'APP débute par une période de tutorat, elle a une structure adaptée de [4]. Pendant un tutorat, les étudiants:

a) explorent le problème et identifient les questions;

b) formulent “ce qu'est le problème”;

c) identifient les connaissances pertinentes acquises précédemment;

d) identifient les connaissances manquantes et les informations à obtenir;

e) comme un groupe, priorisent les besoins d'apprentissage, et établit les buts et objectifs d'apprentissage.

Tableau 1: Unité d'APP - Semaine 1

Tableau 2: Unité d'APP - Semaine 2

Le rôle du tuteur est crucial. Il agit comme expert, posant des questions, validant en temps réel les connaissances antérieures des étudiants, et s'assurant que les buts et objectifs d'apprentissage soient bien identifiés. Le reste de la semaine 1 est occupé par de l'auto-apprentissage, de la résolution de problèmes en groupe et par du travail de laboratoire sous la supervision d'assistants ou de professeurs. Durant les activités de résolution de problèmes en groupe, les étudiants s'entraînent aux procédures de résolution de problèmes. Les responsables de ces activités ne donnent pas les solutions des problèmes, mais valident en temps réel les solutions présentées par les étudiants à leurs pairs. Le travail sur la résolution du problème assigné continue pendant la semaine 2; des périodes additionnelles de résolution de problèmes et de laboratoire sont offertes. Pendant le second tutorat de la semaine 2, les étudiants passent en revue les hypothèses générées au tutorat 1; exposent ce qu'ils ont appris; résolvent le problème; déterminent ce qu'il manque; et valident les connaissances nouvelles, la solution du problème et l'efficacité du processus utilisé. Ici aussi le rôle du tuteur est crucial. En posant beaucoup de questions, il ou elle s'assure de la validité des nouvelles connaissances, les decontextualise, et amène les étudiants à échanger sur leurs stratégies d'apprentissage. Une évaluation formative est ensuite effectuée pour que les étudiants puissent évaluer l'avancement de leur apprentissage individuel. L'unité d'APP se termine par une évaluation sommative pour mesurer les habiletés de résolution de problèmes individuelles de l'étudiant, des ses habiletés d'auto-apprentissage et de sa capacité de rappeler et d'appliquer les connaissances déclaratives et procédurales associées au sujet de l'unité. Des séminaires ou des ateliers sur des sujets spécifiques complètent les tutorats. À la fin de chaque unité, l'équipe de professeurs et un représentant étudiant se rencontrent pour discuter d'une façon critique l'unité.

L'APP est très efficace pour l'apprentissage de connaissances déclaratives et procédurales dans les domaines des sciences fondamentales et des sciences de l'ingénieur. Elle est cependant mal adaptée à l'acquisition de compétences en conception et en gestion de projets au niveau souhaité par les programmes. A cette fin, l'apprentissage par projets fournit un cadre authentique de pratique de l'ingénierie et de développement des habiletés “réelles” par la simulation de situations professionnelles. Quoique les biens livrables soit le moteur de l'apprentissage par projets, il demeure que ce sont les connaissances et les habiletés acquises durant le processus de production qui assurent le succès de l'approche. Pour atteindre cet objectif, il y a un projet commun à chaque session. Par exemple, les projets de première année sont conçus pour introduire les étudiants à la profession d'ingénieur et pour représenter un environnement normal d'ingénierie. Ils fournissent un contexte favorable au développement des compétences suivantes: nature de la conception en ingénierie, gestion de projet, fabrication et assurance qualité, rôles social et technique de l'ingénieur, communications écrite et orale, consolidation d'équipe, et santé et sécurité au travail. Tous les projets se font en équipe et une revue de projet hebdomadaire est conduite avec chaque équipe par un professeur.

5.0 L'évaluation

L'évaluation joue un rôle déterminant dans un programme basé sur l'apprentissage par problèmes et par projets, elle doit aussi s'inscrire dans une philosophie basée sur les compétences. Puisque la compétence est un concept transparent que nous ne pouvons pas évaluer directement, nous ne pouvons qu'observer son résultat dans un contexte donné. Les compétences doivent être évaluées en termes des comportements qui peuvent être démontrés et observés dans un contexte professionnel. Ainsi, la forme et les méthodes d'évaluation doivent mettre l'emphase sur des méthodes basées sur les performances. La formation basée sur le développement des compétences impose le développement de techniques d'évaluation non-traditionnelles, ce qui représentent en soit un défi majeur pour le corps enseignant [5]. Les étudiants ont besoin de rétroaction sur ce qu'ils font et comment ils le font et ils doivent apprendre à utiliser cette information pour améliorer leurs performances. Les évaluations doivent documenter et promouvoir le développement de leurs connaissances et leurs compétences pour raisonner et résoudre efficacement des problèmes d'ingénierie. Nous avons conçu un plan d'évaluation ayant les caractéristiques suivantes:

  • L'évaluation doit se faire selon des critères de performance explicites et publics et dans un contexte familier à l'étudiant.
  • Les activités d'évaluation doivent être assez diversifiées pour fournir une rétroaction significative à toutes les parties impliquées.
  • L'évaluation doit se présenter sous forme d'une matrice reliant les résultats attendus aux activités d'apprentissage dans lesquelles les résultats doivent être atteints.
  • Des mesures doivent être identifiées pour évaluer chaque résultat.
  • L'évaluation est principalement individuelle.
  • Les évaluations devraient se faire sous diverses formes: évaluateurs multiples (étudiants, pairs, professeurs), dans différentes unités d'évaluation (individu, équipe, classe) et selon différents types (examens, présentations orales, discussions, rapports techniques).
6.0 Conclusion

Les programmes de génie électrique et de génie informatique de l'Université l'Université de Sherbrooke ont été refondus de façon très innovatrice, tant par le processus d'apprentissage que par celui de l'enseignement. La conception et la mise en œuvre de ces programmes d'études à la fois complexes et très ambitieux, ont représenté un défi majeur pour l'équipe de professeurs. Deux éléments importants de ce projet sont critiques. Le premier est le choix et le développement d'un cadre d'apprentissage. Celui ci a exigé l'adoption d'un paradigme souvent mentionné en éducation, qui déplace le centre d'intérêt du professeur et son enseignement vers l'étudiant et son apprentissage. Avec l'aide de collègues de la Faculté de l'Éducation, nous avons établi une série de principes d'apprentissages basés sur les recherche en science cognitive. Que nous avons ensuite mis en pratique dans un cadre conceptuel pour la conception détaillée de toutes les activités pédagogiques. Le résultat est des curriculum basés sur le développement de compétences, où la formation combine l'apprentissage à base de problèmes et l'apprentissage à base de projets.

Bien qu'il soit trop tôt pour évaluer les nouveaux programmes, ceux ci ont débuté en septembre 2001, la réaction des étudiant après deux sessions a été très positive.

7.0 Remerciements

Ce travail est le résultat d'un travail d'équipe exceptionnel et les auteurs voudraient souligner ici l'engagement total de leurs collègues à ce projet au cours des trois dernières années. Nous remercions spécialement C.-A. Brunet, R. Fontaine, R. Lefebvre, R. Thibault, S. Bourque (SSE) et R. Hivon (Faculté d'éducation). Ce travail a été financé en partie par l'Université de Sherbrooke (Programme des grandes innovations pédagogiques).

8.0 Références

[1]. Canadian Academy of Engineering, “Evolution of Engineering Education in Canada” 1999. http://www.acad-eng-gen.ca/publis/ publi_an.html

[2]. R. M. Harden, J. R. Crosby, M. H. Davis, “AMEE Guide No.14: Outcome-based education: Part 1- An introduction to outcomebased education”, Medical Teacher, Vol. 21, No. 1, 1999, pp.7-14.

[3]. J.R. Anderson, “The Architecture of Cognition”, Cambridge: Harvard University Press, 1983.

[4]. D. Woods, “Problem-based Learning: resources to gain the most from PBL” 1996. http://chemeng.mcmaster.ca/pbl/append-a.htm

[5]. M.E. Huba and J.E. Freed, “Learner-centered Assessment on College Campuses. Shifting the focus from teaching to learning”, Boston: Allyn and Bacon, 2000.

À propos de l'auteurs

Gérard Lachiver est professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke. À titre d'ancien directeur du département, il a mené l'équipe chargée de réformer les programmes de premier cycle en génie électrique et en génie informatique. En plus de ses recherches en contrôle intelligent de systèmes complexes ayant des applications en automobile et en systèmes de puissance, il s'intéresse au développement de stratégies visant à améliorer l'enseignement et la formation en ingénierie. On peut le rejoindre à lachiver@courrier.usherb.ca.

Daniel Dalle est professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke (Québec) et est directeur du programme de génie informatique. Ses intérêts en recherche étaient précédemment dans le domaine du traitement des signaux physiologiques. Ses enseignements incluent les circuits numériques, l'architecture des ordinateurs et le génie logiciel. Il est membre de IEEE et de l'Ordre des Ingénieurs du Québec.

Noël Boutin est professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke, (Québec). Il a obtenu son B. Ing (1973) et son M. Sc. A. (1975) en génie électrique de l'Université de Sherbrooke. Ses intérêts techniques incluent la conception de circuits RF et de systèmes de communication. Ses intérêts pédagogiques touchent le développement de la dimension humaine dans les programmes de premier cycle en ingénierie.

André Clavet est professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke, (Québec). Il a obtenu son B. Ing (1973) et son M. Sc. A. (1975) en génie électrique de l'Université de Sherbrooke. Ses intérêts techniques incluent les systèmes à base de DSP, le traitement des signaux et les systèmes de contrôle. Il est principalement impliqué dans des expériences pédagogiques sur l'apprentissage coopératif et en recherche, sur la séparation à la source des signaux complexes.

François Michaud est professeur agrégé au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke. Il détient la Chaire de recherche Canada en robotique mobile et systèmes autonomes intelligents. Ses activités de recherche financées par CRC, CRSNG, FCI and FCAR, incluent la robotique mobile (apprentissage, comportement social et de groupe), les systèmes intelligents, la logique floue et l'intelligence artificielle appliquée. Il est activement impliqué dans la réforme de la formation en ingénierie en cours Sherbrooke, principalement par le développement d'une plate-forme robotisée mobile pour présenter le génie électrique et informatique la conception aux étudiants de première année.

Jean-Marie Dirand Jean-Marie Dirand professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université de Sherbrooke, (Québec). Il a reçu un doctorat (1969) en mathématique appliquée de l'Université de Nancy (France). Ses intérêts en recherche incluent l'intelligence artificielle et les environnements d'apprentissage intelligents. Il développe un noyau basé sur le WEB pour créer des tutoriaux, en particulier un cours sur la programmation en C++.

IEEE Canadian Review La revue canadienne de l'IEEE Summer / Été 2002 No. 41


Last update - 2002,07,31 - la dernière mise à jour